Voyage au pays des géants

(article paru dans Grandes écoles magazine N°7)

© photos : Vincent Valère


Bien qu’elle doive dépasser le mètre soixante quinze, la jeune femme paraît vraiment minuscule devant le sequoïa devant lequel elle pose. Photo rituelle que ne manquent pas de prendre tous les touristes, sitôt franchi l’entrée de Muir Woods et avalé le énième cookie de la journée.

D’autres arbres, plus imposants encore, dominent pourtant les canyons. Mais encore faut-il faire preuve de patience et aller à leur rencontre.

Situé en plein cœur d’une agglomération de cinq millions d’habitants, à une vingtaine de kilomètres au nord ouest du Golden Gate bridge, Muir woods reste la destination préférée de nombreuses familles de la région.

Un poumon vert situé au beau milieu de Marin County, banlieue chic de Frisco, déployée tout au long de la côte nord de la baie, où tous ceux qui se targuent d’avoir réussi dans les affaires se doivent désormais d’habiter.

Signes de reconnaissance de ces nouveaux riches, récemment quelque peu égratignés par la chute du Nasdaq ? le 4 x 4 et le Spa (jaccuzzi installé dans le jardin autour duquel il est de bon ton d’inviter ses amis pour l’apéritif)

Histoire d’oublier le stress provoqué par les embouteillages, souvent dantesques, l’imminence du tremblement de terre qui pourrait détruire l’agglomération, située sur la faille de San Andreas, mais aussi pour échapper au fog qui masque parfois pendant des journées entières l’autre côté de la baie, ces californiens acceptent volontiers de payer 2 dollars pour se promener ici, résolus pour une fois à abandonner leur voiture : depuis 1924, les engins à moteur n’ont plus droit de cité, les vélos tout terrain sont interdits, de même que les chevaux. Les temps ont bien changé…


Si la nature paraît ici incroyablement préservée, les chemins sont néanmoins balisés selon leur degré de difficulté -la plus ardue des six pistes prend une demi journée- et les rencontres avec les moutain lions (pumas), redoutées par certains, plutôt rares.

Aussi n’a-t-on guère l’occasion d’appliquer la leçon dispensée à l’entrée par les rangers en uniforme: « Ne courez surtout pas, levez les bras, histoire de montrer aux animaux sauvages que vous êtes plus grands qu’eux … » .Aigles et condors survolent encore les lieux, mais grizzlis et coyotes les ont depuis longtemps désertés

Classé « national monument » en 1908 par le président Theodore Roosevelt (voir encadré sur les parcs nationaux), Muir Woods accueille près d’un million de personnes chaque année, fascinées par ces puissants séquoias qui obligent tout un chacun à relever la tête pour admirer leur frondaison.

Les photographes amateurs doivent se faire une raison : même un grand angle ne permet pas de les visionner en entier.

Le plus vieux de ces sujets a plus de mille ans d’âge, atteint 61 mètres de hauteur et 5 mètres de diamètre... Autant dire un jeunot, comparé au General Shermann ou au General Grant, presque trois fois plus vieux mais situés dans d’autres parcs américains. Beaucoup de leurs contemporains n’ont pas eu la même chance, la plupart de ces arbres ( sequoias sempervivens) ont malheureusement disparu de la Californie à la fin du XIX° siècle, débités à la hache par des rancheros ou des gold miners soucieux de construire leur maison, finissant tristement leur vie comme bois de charpente (réputé pour sa solidité) voire même en simples copeaux
C’est justement pour lutter contre la déforestation et la disparition de ces géants à l’écorce rouge (d’où leur nom anglais, redwood) réputés pour leur dureté, que William Kent et sa femme achetèrent en 1905 , pour 45 000 $, 295 acres de forêts aux pieds des Monts Tamalpais, le long de Redwood creek, et en firent don au gouvernement afin que l’endroit devienne une réserve nationale. Thédore Rossevelt voulut remercier le bienfaiteur en donnant son nom au lieu mais William Kent déclina l’offre et suggéra plutôt celui de John Muir (1838-1914).

Ce naturaliste éminent, farouche défenseur de la forêt –il est aussi à l’origine de la protection de Yosemite et Sequoia National parks- avait préféré quitter l’université pour aller étudier sur le terrain.

Muir Woods, qui s’étend sur 120 hectares (560 acres), compte aussi des milliers de pins et d’énormes eucalyptus qui embaument l’atmosphère dès l’arrivée du printemps. Mais ce sont les sequoias qui suscitent le plus de curiosité : la chute de l’un de ces géants, âgé de 800 ans, en juillet 1996 a fait la une des journaux locaux.

Même si certains de ces « big trees », comme on les appelle familièrement appelés outre-atlantique, dépassent en taille la statue de la Liberté, aucun n’est à l’abri d’une sécheresse ou de la foudre...

© Carine Lenfant


Heures d’ouverture : de 8h du matin au coucher du soleil, toute l’année

Direction : Prendre le Highway 101, sortie Muir woods. Suivre les panneaux indicateurspour Muir Woods, parking à l’entrrée gratuit.

Aucun bus ne dessert les lieux, seul le N° 63 fait un arrêt à Mountain Home Inn., un autre Bootjack sur le Highway Panoramic. Ensuite il faut s’armer de courage et marcher pendant deux bons kilomètres et demi

A lire : « The Muir Woods handbook » par Suzan et Phil Frank

(Pomegranate. 144 pages. $12.95)

Site internet : htpp://www.nps.gov/muwo

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