Carine Lenfant, journaliste indépendante

PAUL ANDREU

Profession : architecte-ingénieur

© Virgile Simon

article paru dans Grandes Écoles Magazine N°4

En dehors de Roissy, une vingtaine d’aéroports au monde portent la griffe de Paul Andreu. Ce polytechnicien refuse néanmoins de s’enfermer dans une spécialité. Raison pour laquelle il a signé le terminal français du tunnel sous la Manche ou l’Arche de la Défense. Plus récemment, il a réalisé le musée maritime d’Osaka ou dessiné l’opéra de Pékin.

Aéroport de Shangaï.Pudong © Paul Maurer.

“Des polytechniciens architectes, il doit bien y en avoir un par promotion”, affirme Paul Andreu avec un grand sourire. Vérification faite, sept architectes sont en réalité srecensés dans l’annuaire de l’X. Mais il est bien le seul à avoir acquis cette notoriété internationale et à s’être vu décerner, en 1977, le Grand prix national d’architecture. Sa formation scientifique initiale, il l’a compris bien plus tard, lui a certes appris “à résoudre des problèmes, à répondre à des questions”, mais c’est aux Beaux-Arts qu’il a vraiment mûri : “Avant de se précipiter sur la réponse, on repose le problème. Or si l’on veut travailler intelligemment, c’est de cette manière qu’il faut procéder. Seulement ni en taupe, ni à Polytechnique, on ne vous préparait à la recherche et à la création”.

Reçu à Normale et à l’X en 1961, ce passionné d’athlétisme a finalement choisi Polytechnique pour complaire à des amis sportifs. Si ce fils de professeurs n’a pu faire de la recherche en physique, comme il l’escomptait, il a découvert aux côtés de Fontanarosa le plaisir de peindre. Bien noté jusque-là, le bon élève échoue un jour à un examen : “Une fois qu’il a été clair que j’avais raté les Mines, je me suis consacré au sport et à la peinture. Mais je savais pertinemment que je n’avais pas assez de talent pour devenir peintre”.

Histoire d’élargir sa palette, il va faire un tour du côté des Beaux-Arts, où l’enseignement de l’architecture est alors organisé en ateliers – “j’ai vu là des garçons penchés sur des tables à dessin” – décide de préparer l’admission :“pendant deux ans, j’ai passé mes journées à l’école des Ponts et Chaussées, mes soirées et mes week-ends quai Malaquais”.

Devenu ingénieur civil en 1963, il choisit d’entrer chez Aéroports de Paris (ADP) plutôt qu’au ministère de l’Equipement : “J’avais été en stage chez ADP, je savais qu’il y avait une agence d’architecture”.

Ingénieur des travaux le jour – il réalise notamment la tour de contrôle d’Orly, quelques hangars et deux pistes – le jeune homme continuera de plancher dans l’atelier de Paul Lamache jusqu’en 1968, date à laquelle il obtient son diplôme de DPLG (1). Ses copains architectes ignorent qu’il exerce le métier d’ingénieur, profession méprisée par ceux qui revendiquent plutôt le statut d’artistes :“Ils ont été surpris de me voir à la télévision quand les nouvelles pistes d’Orly ont été inaugurées...”

Des responsabilités beaucoup plus grandes l’attendent : chargé des études pour le nouvel aéroport de Roissy, il apporte des solutions innovantes pour optimiser la circulation des passagers, des voitures et des avions. Il dirigera un peu plus tard une agence de 400 personnes, composées en majorité d’ingénieurs spécialistes des infrastructures aéroportuaires, mais pour un tiers d’architectes. ADP exporte en effet son savoir-faire à l’étranger. Si les missions d’ingénierie sont portées au départ par les financements (la France aide le tiers monde à s’équiper), très vite la notoriété de Paul Andreu, architecte de Roissy I (mis en service en 1974) de la gare TGV de l’aéroport Charles-de-Gaulle (1976) et de Roissy II (1982) incite des pays riches et disposant de technologies pointues à faire appel à ses compétences. Il réalise ainsi, notamment, les aéroports internationaux d’Abu Dhabi dans les Emirats arabes unis, de Jakarta en Indonésie, d’Osaka au Japon. Et parallèlement la grande Arche de la Défense, en collaboration avec le Danois Johan Spreckelsen, le tremplin de saut à ski pour les JO d’Albertville (1992), ou le terminal Transmanche (inauguré en 1994).

“C’est très intéressant de se poser tout le temps le même problème en d’autres termes mais je n’ai pas voulu être catalogué, m’enfermer dans une spécialité. Je n’ai nulle envie de me répéter”, affirme ce sexagénaire qui doit théoriquement prendre sa retraite dans deux ans. Pour toutes ces raisons, alors qu’il était devenu directeur de l’architecture et de l’ingénierie, Paul Andreu a préféré se dégager de tâches administratives pour se consacrer à des projets plus personnels au Japon, comme le musée maritime d’Osaka, et en Chine. Lauréat du concours international pour le Grand théâtre de Pékin, un gigantesque dôme de verre, d’acier et de titane, implanté entre la place Tien An Men et le palais impérial, il a aussi remporté récemment la consultation pour le complexe omnisports de Guangzhou (Canton). Si l’architecte ne semble pas à court de projets, reste que sa succession doit poser un sérieux problème : que va devenir ADP sans Paul Andreu ?

Grand théâtre de Pékin

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