DES OUTILS POUR L'AMENAGEMENT URBAIN Moyennes ou grandes, les villes ont besoin, pour bâtir ou réhabiliter sur leur territoire, de services où se retrouvent architectes, paysagistes et économiste Institués par la loi de 1977, les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement sont devenus au fil des ans de vrais partenaires pour les collectivités. Aujourd'hui, le conseil aux communes représente 80 % des activités des CAUE Très jaloux des prérogatives que leur a consenties la loi sur la décentralisation en matière d'urbanisme, de nombreux maires se découvrent une vocation nouvelle pour l'aménagement. Si beaucoup caressent l'espoir d'attirer sur leur territoire activités commerciales, tertiaires ou industrielles (génératrices de taxe professionnelle), d'autres souhaitent, plus modestement, réhabiliter leur centre ancien, réaménager certains espaces publics, créer une rue piétonne, un lotissement communal, un parking ou une école maternelle. Quelle que soit l'ambition poursuivie, le constat dressé est souvent le même : la matière grise fait défaut. Certaines opérations, lancées sans grand discernement par les élus, se révèlent ainsi des échecs sur le plan économique, social ou esthétique, aucune réflexion préalable n'ayant été menée en amont. La France métropolitaine compte 36 551 communes, dont 31 251 communes rurales, peuplées par moins de 2 000 habitants. Autant dire qu'une grande majorité ne peut se doter d'outils de planification urbaine, même si la plupart disposent de services techniques minimaux. Souvent dirigés par un ingénieur des villes, ces services ont en charge l'entretien des réseaux (éclairage public, voirie, transports, assainissement, déchets, eau) et du patrimoine communal (mairie, écoles, bâtiments sportifs, jardins publics) et exécutent fréquemment eux-mêmes les travaux en régie. Les services habitat, quand ils existent, accueillent plutôt le public qui cherche à se loger, à s'informer sur les servitudes d'urbanisme locales, ou encore sur le montant des subventions versées pour l'amélioration du confort d'un logement ou le ravalement d'une façade. Comme toutes les communes de sa taille, Saint-Macaire, bourg de 1 459 habitants, en Gironde, s'adresse, comme par le passé, à la direction départementale de l'équipement (DDE) pour l'instruction d'un permis de construire. Mais elle n'hésite pas, au besoin, à s'adresser au privé." Nous avons commandé une étude de faisabilité sur la réhabilitation d'un immeuble de centre bourg. Coût : 100 000 F, subventionnés pour moitié par le conseil général ", explique Jean-Marie Billa (PS). Démarche inhabituelle, il l'admet volontiers, " les maires n'ont guère l'habitude de payer des honoraires pour des études pré-opérationnelles, les bureaux d'études les effectuent le plus souvent gratuitement, à condition d'obtenir l'assurance qu'ils assumeront la maîtrise d'oeuvre, leurs honoraires étant alors proportionnels au montant des travaux engagés... " Architecte dans le privé, Jean-Marie Billa conçoit les choses autrement. Si l'on en juge d'après le nombre de maires qui se tournent vers les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE), 83 départements sur 95 sont dotés de telles structures qui font de l'assistance gratuite aux communes. Les besoins sont immenses. Institués par la loi de 1977 sur l'architecture, les CAUE sont devenus au fil des ans de vrais partenaires pour les collectivités. Qui les sollicitent aussi bien pour la restauration de l'église communale, l'aménagement de la cour de l'école maternelle ou de la place de la mairie, que sur les moyens de préserver l'identité du village, si ce dernier est soumis à de trop fortes pressions spéculatives. A la différence des bureaux d'études privés, les CAUE ne peuvent être suspectés de pousser à la dépense, ils n'assurent pas la maîtrise d'oeuvre. " Nous clarifions en toute neutralité les besoins des communes, établissant des diagnostics et définissant des priorités en concertation avec les maires, et en fonction de leurs capacités de financement ", insiste Brigitte Mas, directeur du CAUE de l'Hérault. Rançon de leur succès ? Les CAUE croulent sous les demandes. Elles émanent en effet non seulement des communes rurales mais aussi de villes plus importantes parfois dotées de services techniques musclés. Ainsi la municipalité de Caen a chargé le CAUE du Calvados d'une réflexion sur le réaménagement des espaces publics dans le quartier de la Grâce de Dieu, une ZUP datant de la fin des années 50. Lors de leur dernier congrès, en septembre à Bordeaux, quelques directeurs de CAUE tiraient d'ailleurs la sonnette d'alarme : le conseil aux communes, qui n'est qu'une de leurs missions, représente aujourd'hui 80 % de leur activité !" Avant la décentralisation, on ne trouvait d'ateliers municipaux d'urbanisme que dans les grandes villes ", souligne Patrick Lusson, délégué général de la fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU). " Ces petites équipes, réunies autour de l'architecte ou de l'urbaniste en chef de la ville, étaient chargées de gérer les permis de construire, conjointement avec la DDE. Seules les très grandes métropoles se lançaient vraiment dans la réflexion prospective. " Montpellier, par exemple, a créé son outil dès 1977. Les villes moyennes, dont la population se situe entre 20 000 et 100 000 habitants, ne peuvent rivaliser. " Même si beaucoup, telles Sarreguemines ou Valence, ont éprouvé le besoin de renforcer leurs structures après la décentralisation ", confie Bernard Lensel, vice-président de l'Association pour la promotion des urbanistes des collectivités territoriales. Les missions de ces services couvrent généralement quatre grands domaines : l'aménagement du territoire (élaboration du POS, politique de l'habitat, programmation des équipements, traitement des espaces publics, politique économique et des transports) ; l'application du droit des sols (instruction des permis de construire) ; la politique foncière (préemption ou déclarations d'utilité publique) et l'urbanisme opérationnel (montage de ZAC, de lotissements ou de programmes d'aménagement d'ensemble).Faute de personnel compétent, une bonne partie de ces missions doit être déléguée. Engager à plein-temps des professionnels de l'aménagement dans le but d'élaborer une stratégie de développement qui intègre à la fois les données urbaines, paysagères, économiques et sociales se révèle souvent utopique d'un strict point de vue financier. " Les pouvoirs publics incitent les communes de plus de 20 000 habitants à engager des ingénieurs, voire des architectes municipaux, mais les maires n'ont guère la possibilité d'embaucher des paysagistes ou des écologues, les règles de la comptabilité publique ne prévoyant pas ce type de profils ", poursuit Bernard Lensel. Des communes situées à proximité d'un " monstre " métropolitain et confrontrées à une explosion démographique nouvelle se sentent totalement désarmées. " Si leur stratégie de développement n'est pas réfléchie, si les enjeux sociaux, économiques et urbains sont mal appréciés. ces communes se trouveront à la merci des investisseurs etdes marchands de bien ", constate Patrick Lusson. Qui pourrait les aider à cerner leurs besoins réels et à définir des objectifs en toute neutralité ?Les agences d'urbanisme, qu'il s'agisse d'agences d'agglomération comptant aussi l'Etat parmi leurs partenaires, ou de simples agences de district comme à Dijon, sont certes performantes. Laboratoires d'idées et force de proposition, elles sont au service des communes qui les financent. Seul ennui, ces équipes pluridisplinaires composées d'architectes, d'urbanistes mais aussi de paysagistes, d'économistes ou de juristes n'existent pas partout. La coopération
intercommunale, qu'elle prenne la forme d'un district ou même
d'un syndicat à vocation multiple (SIVOM), est loin d'être
la règle. Les maires des grandes agglomérations sont plus
souvent rivaux que solidaires, concurrents que
complémentaires... A Nice, à Cannes, à Toulon,
à Clermont-Ferrand, à Rouen, à Béthune ou
encore à Amiens, pour ne citer que ces villes, les
municipalités ne montrent pourtant pas l'exemple. Elles ignorent
délibérément leurs voisins, voulant rester
maîtresses chez elles.En zone urbaine, la complexité des
problèmes à traiter (logement, développement,
transports et maîtrise de l'espace) imposerait pourtant une
programmation réfléchie des équipements,
menée à une échelle qui dépasse le strict
cadre communal. Les acteurs économiques ne se sont-ils pas
affranchis depuis longtemps des découpages administratifs ? Encadré En dépit de sa faible taille, la ville de Juvisy-sur-Orge, située dans le département de l'Essonne, dispose d'un atelier municipal d'urbanisme depuis 1978. " Je jugeais indispensable de poursuivre le travail très fin élaboré par un cabinet d'architectes et d'urbanistes sur l'avenir de la ville à l'occasion du plan d'occupation des sols ", confie le maire de cette commune de 11 858 habitants. En fait, André Bussery (PS) n'a pas attendu les lois de décentralisation pour assumer ses responsabilités en matière d'urbanisme. Une attitude que le préfet et ses services n'ont pas tellement appréciée à l'époque. " Les subventions que nous devions recevoir pour réhabiliter 400 logements ont été réduites de moitié au motif que nous étions décidés à mener nous-mêmes les études préliminaires. Six mois plus tard, la première opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) démarrait et l'on demandait, peu après, à l'atelier de former les cadres de la direction de l'équipement à ce type de procédures ", assure le maire. Association de type loi de 1901, subventionnée intégralement par la mairie, tout habitant pouvant en être adhérent, l'Atelier public d'aménagement de Juvisy (APAJ) se veut la mémoire de la ville. Mais cette association joue aussi le rôle d'un bureau d'études. " Il n'a pas vocation à tout faire, mais il est associé à l'interlocuteur désigné sur tous les projets d'aménagement, affirme André Bussery. Il peut discuter avec la SNCF, la direction départementale de l'équipement, l'hôpital public -premier employeur de la ville - ou l'administration pénitentiaire. Il a été un moment question d'implanter une prison dans le périmètre de la commune. " Dans les années 80, la concertation n'était pas un vain mot. " Les réunions de quartier, les films et les débats ont attiré jusqu'à 3 000 personnes ", se souvient le maire. Les Juvisiens n'hésitaient pas à pousser la porte de l'APAJ, installée alors dans l'ancien Café de la Mairie, pour se renseigner sur la réalisation d'une rue piétonne " la première décidée dans le département " ou sur l'aménagement des espaces publics.Une époque révolue. " Pour la révision du POS ou du SDAU (schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme), aujourd'hui, une cinquantaine de personnes seulement se déplacent à chaque réunion ", soupire André Bussery, qui estime que l'association a été investie par son opposition municipale. Signe des temps ? Le Café de la Mairie est redevenu un simple débit de boissons, l'atelier municipal ayant déménagé au centre administratif." C'est moins poétique mais plus pratique : il est à côté des services techniques ", explique le maire, qui se demande aujourd'hui si la ville ne devrait pas se doter d'une société d'économie mixte (SEM) Montpellier voit grand (encadré) Sitôt élu maire, en 1977, le bouillant socialiste Georges Frèche juge indispensable de maîtriser le développement économique et urbanistique d'une ville qui héberge 207 996 habitants. Il crée donc à Montpellier un Atelier municipal d'urbanisme (AMU) qui avait pour vocation d'approfondir la connaissance de la ville.En 1984, l'Atelier a éclaté en deux structures distinctes, désormais rattachées au directeur général des services techniques de la ville. La première est la Direction de l'aménagement et de la programmation (DAP). Elle est chargée de mener les études urbaines générales et de suivre les zones d'aménagement concédées à la Société d'économie mixte de Montpellier (SERM). Cette direction comprend trente-deux personnes. La seconde structure née de l'Atelier est la Direction urbanisme opérationnel (DUOP). Elle est chargée de suivre les questions concernant le droit des sols. Elle traite les déclarations d'aliéner et instruit les permis de construire. Ses effectifs représentent quarante-trois personnes © Carine Lenfant |
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