Aménagements de bords de mer : les paysagistes de plus en plus souvent sollicités

article paru dans Paysages actualités N°280

La France compte 5 500 kilomètres de côtes, dont 3 800 kilomètres en façade atlantique et 1 700 kilomètres le long de la Méditerranée. Plages de sable, marais, vasières, côtes rocheuses, estuaires, zones fortement urbanisées ou miraculeusement préservées… les façades maritimes présentent des aspects très diversifiés, subissent aussi d’inégales pressions foncières.

Le littoral est d’autant plus convoité que le tourisme joue un rôle majeur sur le plan économique. Aménager un port de plaisance, délivrer des permis de construire en front de mer ou créer de nouveaux parkings pour éviter le stationnement anarchique comptent parmi les préoccupations des élus. Violemment contesté par des associations de protection d’environnement, le bétonnage se révèle parfois à un mauvais calcul !

Se trouver séparé de la mer par un axe routier -caractéristique urbaine de la Côte d’Azur- est aujourd’hui jugé très pénalisant. Certaines communes s’efforcent de faire déclasser des portions de routes nationales, de les incorporer à la voirie municipale, de revoir les tracés. Des boulevards urbains sont requalifiés, replantés de palmiers, des espaces en bord de mer reconquis, des liaisons mieux assurées entre ports, plages et centres villes.

Sauvegarder l’unité paysagère de certains lieux, préserver de grandes coupures naturelles, mettre un terme au camping sauvage et aux constructions précaires, reconquérir le potentiel écologique de zones naturelles menacées ne concerne plus que les seuls militants écologistes. Les conseils généraux, les maires y semblent désormais sensibles. « Nous vivons à 90% du tourisme, d’où la nécessité de conserver une attractivité suffisante, de se soucier d’intégration architecturale et paysagère » reconnaît le maire de La Tranche sur mer (2500 habitants l’hiver, 100 000 l’été, 13 km de plages de sable fin). Michel Fardin a été l’un des premiers à se porter candidat à la signature des « contrats environnements littoraux », lancés en décembre 2002 par le Conseil général de Vendée. Ce département mise sur le « tourisme bleu », s’efforce de protéger sa côte, l’une des moins bâties : 75% sont restés à l’état naturel. Les subventions obtenues permettront notamment à La Tranche sur mer de mettre en œuvre un plan vert et un plan plages, de dresser l’inventaire des équipements nécessaires, d’améliorer l’aménagement des accès à la mer, de protéger le cordon dunaire et de sensibiliser le public à la protection des plantes rares ou fragiles.

Plutôt perplexes au départ, de nombreux élus sont devenus au fil des ans de vrais partenaires du Conservatoire du littoral. C’est avec leur accord, parfois à leur demande, que cet établissement public, créé en 1975 a d’ores et déjà acquis 861 km de rivages. « Dans la politique de développement touristique, une part significative affectée à des espaces de nature correspond à la demande du public, affirme son directeur, Michel Lopez. Repenser les cheminements, réhabiliter les fronts de mer, aménager des promenades balnéaires… les paysagistes se voient de plus en plus souvent sollicités comme en témoigne l’augmentation des consultations. « Quand je suis arrivé dans le Pas de Calais voilà vingt ans, les élus semblaient persuadés qu’il était impossible d’effectuer des aménagements paysagers sur la côte d’Opale» explique Bernard Laffaille. Chargé d’une étude sur les plantations dans un environnement maritime hostile par la Chambre de commerce et d’industrie de Boulogne sur Mer, projet mené en parallèle avec le Kent grâce à des financements européens, cet architecte paysagiste s’emploie à les convaincre du contraire.

Carine Lenfant

Le parc du Mugel



Concentré de jardin méditerranéen qui débouche sur des calanques, le parc public du Mugel - au sud-ouest de La Ciotat - s’étend sur environ 3ha situés en site classé. Trois phases de travaux ont été réalisées pour lui rendre sa splendeur passée. Coût : 488 000 euros assumés par la communauté urbaine de Marseille métropole, la ville de la Ciotat et le Feder.

« Protection incendie, abattage des arbres dangereux, confortement des allées, installation de garde-corps, renforcement des murs existants, élargissement des allées… la mise en sécurité s’imposait » explique le directeur de l'agence Paysage ingénierie conseils. Ludovic Baudot s’est employé à homogénéiser le mobilier -bancs identique en bois, métal des garde corps bleu outre mer- à restructurer les lieux, tombés en déshérence. A l’abri des vents, bénéficiant d’un microclimat, le parc du Mugel s’avère d’une richesse botanique exceptionnelle : « Sur ce terrain propice, le maquis et les plantes exotiques prospèrent. Chose extraordinaire, chênes liège et châtaigniers poussent à cinquante mètres de la mer. »

Si les abords de la plage du petit Mugel ont été laissés naturels, une vingtaine de palmiers rares ont été réintroduits. Myrtes, buis, citronniers, orangers, toute une variété d’agrumes, des bougainvillées et des aristoloches ont également été plantés. Le captage des eaux de pluie assure le tiers des besoins d’arrosage. La Société des eaux de Marseille propose bien d’installer une station de dessalement d’eau de mer, par système d’osmose inverse, mais ce projet pilote doit être soumis à la Commission des sites

Le Mont Lenigo au Croisic

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© photos : J. Le Bris

Mauvaise définition des espaces, signalétique incohérente, éléments bâtis mal intégrés… au fil du temps, le Mont Lenigo, à l’ouest du Croisic, était devenu quasi inaccessible. Jacques Le Bris a transformé « ce lieu tombé dans l’oubli» en une superbe promenade que même les personnes à mobilité réduite séjournant dans les centres de rééducation fonctionnelle voisins peuvent emprunter. L’accession au belvédère s‘effectue en pente douce, des paliers permettant de ménager des pauses. Coût de l’aménagement ? 1, 196 million d’euros (2002), pour 15 000 m² de surfaces.

« J’ai voulu créer un espace propice à la contemplation, redonner une identité forte à ce site exceptionnel, abandonné de tout le monde et devenu dangereux» explique l’architecte paysagiste nantais, qui a tenu à évoquer la mémoire maritime du lieu : « Constitué de briques, de schistes et de vieux sables, le Mont Lenigo trouve son origine dans les échanges commerciaux : les gabares en provenance d’Italie et d’Espagne déposaient leur lest sur les quais. »

Une cohérence a été rendue, un gros travail accompli sur les cheminements et le parcours de découverte. Parti pris adopté ? La simplicité. « Granit pour les murets, bois pour les soutènements (d’anciennes traverses de chemin de fer) et les platelages, métal pour les garde-corps, terre pour les chemins…un nombre limité de matériaux a été employé. »

Les vieux platanes du mail du Broc, les chênes verts et pins maritimes récemment plantés sont mis en valeur par des graminées. Un camaïeu de bleu, de blanc et de gris argenté constitue la palette végétale de cette réhabilitation exemplaire.

Circulation piétonne à Sanary

© photo : Dominique Barbert

Les estivants peuvent désormais marcher sans risque le long du littoral entre la plage de Six fours et celles de Sanary. Cette promenade aménagée le long du littoral a fait l’objet de quatre appels d’offres successifs, tous remportés par le même paysagiste : « La réflexion a été entamée en 1999, confie Dominique Barberet, de l’agence Empreintes méditerranéennes. Au départ, il s’agissait simplement de requalifier une esplanade où avait été construit un immense parking, sans aucun ombrage. Notre projet - relier le square Jean Cavet, à deux pas de ce village de pêcheurs méditerranéen typique très refermé sur son port, à la plage de Portissol, située 3 km plus loin, a séduit le maire. Cette proposition se poursuit dans la durée... »

L’ancien lavoir - déplacé près du cimetière- a été réinstallé sur le square Jean Calvet. Un bassin canal, d’une trame assez stricte y a été aménagé. Dominique Barberet s’est beaucoup attaché à créer des percées visuelles : « Des haies, des aménagements divers occultaient la vue sur la mer. Je jugeais essentiel que les rues qui débouchaient sur le front urbain soient poursuivies par des axes piétonniers, de manière à réintroduire des perspectives. »

Pour donner une identité à cette promenade qui relie le centre ville à une petite anse, par le chemin des Oratoires, Dominique Barberet a opté pour des codes visuels liés à la mer, un design aux formes souples. Une gamme de mobilier urbain spécifique (corbeilles, mâts d’éclairage et de signalétique) a été dessinée par Empreintes méditerranéennes, elle devrait être installée en 2006.

© textes : Carine Lenfant