Les communes provençales de l’Enclave des papes tiennent beaucoup à leur insularité territoriale : situées dans la Drôme, elles sont rattachées au Vaucluse depuis plus de deux cents ans. La communauté de communes de l’Enclave des papes (CCEP) a été l’une des premières à voir le jour dans le Vaucluse.« Les inondations dramatiques de 1992 nous ont fédérés, le regroupement entre nous quatre s’es t opéré tout naturellement» confie le président de la CCEP, Jean-Luc Piedfort. Pour des raisons historiques, le canton de Valréas est en effet le seul canton français à être situé hors de son département. La petite ville industrielle de Valréas (9 683 habitants) et les trois communes rurales limitrophes -Grillon, Visan et Richerenches - se trouvent en effet enclavées dans la Drôme. (voir encadré) Après quinze ans d’existence, l’intérêt général se heurte encore souvent à l’esprit de clocher : certaines décisions nécessitent de longs débats. Deux des compétences obligatoires (action économique et aménagement de l’espace) ne sont pas pleinement exercées, faute des ressources nécessaires. « Nous fonctionnons sous le régime de la fiscalité additionnelle, précise encore Jean-Luc Piedfort. Il faudrait passer en TPU mais on touche là aux prérogatives des maires qui ont l’impression de perdre une partie de leur pouvoir ! » Autant dire que l’idée d’élargir la structure à cinq ou davantage ne paraît pas encore à l’ordre du jour. Le schéma départemental d’orientation intercommunale du Vaucluse, pas plus que celui de la Drôme, n’a d’ailleurs prévu quoique ce soit : « personne ne nous oblige à nous marier ni même à nous fiancer ! » note Jean Morin, le secrétaire général. La question sera peut être envisagée après les élections municipales de 2008. Un rapprochement avec d’autres villages soulèverait de nouveaux problèmes : les localités voisines de l’Enclave sont toutes situées dans la Drôme, qui se trouve en région Rhône-Alpes alors que le Vaucluse est situé lui en Provence Alpes Côte d’Azur. Les politiques menées par les deux conseils généraux et les deux régions n’étant pas forcément identiques, cela conduit parfois à des situations ubuesques. Un exemple ? Le conseil général de la Drôme subventionne le ramassage scolaire, ce qui n’est pas le cas de celui du Vaucluse. Conséquence ? Le transport est gratuit pour les enfants de Tulette, localité proche de l’Enclave, mais payant pour les élèves du canton de Valréas qui se rendent pourtant par le même car au collège de Nyons… Dans certains domaines, une cohérence de vues s’avère primordiale. Raison pour laquelle la gestion des cours d’eau et l’aménagement des berges , gérés au départ au niveau intercommunautaire, relève depuis 1997 du syndicat mixte du bassin versant du Lez (SNBVL). Ce dernier regroupe trois établissements publics intercommunaux en Drôme provençale et en haut Vaucluse 1 . Le manque d’entente entre la Drôme et le Vaucluse pour tout ce qui touchait à la politique de l’eau avait eu des conséquences néfastes pour les communes riveraines du Lez, aussi bien en période de sécheresse que lors des inondations. Le cours d’eau, lui, ne se préoccupant guère des frontières administratives ! L’aménagement de giratoires à l’intersection des deux départements nécessite aussi de se concerter. Des réunions sont régulièrement organisées entre les services techniques des deux directions des routes drômoise et vauclusienne. Les anciennes conventions passées avec les DDE sont peu à peu revues. Les travaux peuvent être financés par moitié, ou assumés pleinement par un département ou l’autre. L’important est qu’ils soient réalisés simultanément et que la réflexion porte sur un même itinéraire plutôt que sur deux tronçons… © Carine Lenfant Historique Les quatre communes membres de l’Enclave des papes sont liées par un passé commun : elles faisaient partie des états pontificaux de Provence. « Valréas a été achetée par Jean XXII, en 1317, lorsque le siège de la papauté était en Avignon, rappelle Jean-Luc Piedfort, le président de la communauté de communes. Après son élection, Jean XXII y fit étape. Malade, il se trouva fort ragaillardi après avoir goûté au vin local. Séduit par ce breuvage jugé miraculeux, il acheta les droits seigneuriaux de la cité au dauphin du Viennois. Après la suppression de l’ordre du Temple, l’Eglise hérita des biens des Templiers et, notamment, de la commanderie de Richerenches en 1320. Visan a été rachetée en 1344, Grillon en 1451.» Lors du bornage de ce territoire, l’administration pontificale s’aperçut qu’une bande de terrain séparait ces quatre communes du Comtat Venaissin. Mais le roi de France refusa de la leur vendre. En 1791, lorsque les départements furent institués, les habitants du canton de Valréas auraient pu être rattachés à la Drôme puisqu’ils y étaient enclavés. Par referendum, ils s’y sont refusé, préférant alors rester fidèles au Comtat Venaissin. Ce petit territoire de 124km² est devenu vauclusien en 1793, deux ans après qu’Avignon et le Comtat, possessions du Saint Siège, aient été rattachés à la couronne de France. C.L |