François de Mazières, président de la Cité de l'architecture et du patrimoine article paru dans La Demeure Historique (N° 157 ) Actuellement en plein chantier, l’aile
orientale du Palais de Chaillot à Paris abritera dès la
fin 2005 les services administratifs de la Cité de
l’architecture et du patrimoine. Ancien conseiller à la
culture de Jean-Pierre Raffarin à Matignon, François de
Mazières, 44 ans, a été nommé
président de cet établissement public à vocation
commerciale en juillet 2004. Carine Lenfant : Pouvez-vous nous
expliquer quelles sont les missions de ce qui est appelé
à devenir « le plus grand centre d’architecture au
monde. » François de Mazières : « Il
n’existait pas de musée emblématique
consacré à l’architecture et au patrimoine, ce qui
paraît paradoxal : l’architecture est en effet l’art
le plus populaire, dans la mesure où chacun d’entre nous
l’a constamment sous les yeux. S’il existe en France une
politique du patrimoine, de grande qualité, l’architecture
a fait l’objet de politiques moins visibles. Résultat, les
Français se montrent très sensibilisés au
patrimoine mais ignorent radicalement l’architecture
contemporaine. Amoureux du patrimoine et défenseurs de
l’architecture contemporaine s’ignorent souvent,
s’opposent parfois violemment. Cela paraît un non sens de
vouloir séparer l’un de l’autre ! Cette rupture, je
la juge très dangereuse. Pour éviter les cloisonnements,
il faut établir des passerelles : l’architecture
contemporaine est le patrimoine de demain. » C. L : Après une décennie
d’atermoiements, la Cité de l’architecture et du
patrimoine paraît enfin sur les rails. Les crédits
alloués seront-ils à la hauteur des ambitions
affichées ? François de Mazières :« L’Etat
a d’ores et déjà consacré une somme
importante - 60 millions d’euros - à ce projet, auquel
plus personne ne semblait croire… Des travaux importants ont
dû être engagés, le bâtiment du Palais de
Chaillot, construit pour l’Exposition universelle de 1937,
montrait des signes de faiblesse. Nous avons reçu
l’assurance du Premier ministre et du ministre de la Culture que
ces crédits d’investissements étaient
réservés jusqu’en 2007. La Cité de
l’architecture et du patrimoine va se déployer sur 22 000
m², abritera trois départements distincts : le musée
des Monuments français, l’Institut français
d’architecture, centre de diffusion de l’architecture
contemporaine et une école, le Centre des hautes études
de Chaillot. Le budget de fonctionnement devrait atteindre 20 millions
d’euros par an, la subvention du ministère
représentera 11 millions. Un espace partenaires, que nous envisageons
de louer, va être aménagé. Je juge important de
pouvoir offrir une possibilité de dialogue, de rencontres entre
les architectes, les élus, les techniciens des
collectivités locales, les industriels et les particuliers. Le
bâtiment est un secteur clé de l’activité
économique. Au delà de la simple logique du
mécénat, cet espace partenaires doit permettre
d’établir des liens entre la maîtrise
d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage. Michel Fontaine, le président de
Maisons Paysannes jugeait important que soit créé un
conservatoire de techniques anciennes. J’ai réservé
en bas du bâtiment, une salle de formation sur les techniques
artisanales de la construction. C.L: Que pourra voir le grand public dans les galeries d’exposition permanentes ? François de Mazières : "La
Cité de l’architecture et du patrimoine sera une vitrine
d’exception pour l’architecture d’hier et
d’aujourd’hui. Trois espaces d’expositions
permanentes en constitueront l’ossature muséographique :
la galerie des moulages ; la galerie des peintures et des vitraux. constituent le fonds du musée des
Monuments français. Créé par Viollet-le-Duc, ce
dernier a connu un succès considérable à la fin du
XIXème et au début du XXème. Après les
années soixante-dix, la présentation de ses collections
paraissait insuffisamment claire. Avec sa complète
restructuration, ce musée -invisible depuis 1997- est
appelé à devenir un lieu de référence. Dans la galerie moderne et contemporaine,
consacrée à l’architecture des XIX ème et XX
ème siècles, seront présentées maquettes et
photographies. Un appartement de Le Corbusier, construit à la
Cité Radieuse de Marseille, a été
reconstitué grandeur nature par 14 lycées professionnels
d’Ile de France. A l’heure où le virtuel envahit
tout, où les gens se sentent déstabilisés, ces
volumes permettent de voyager dans le réel, de se projeter dans
le présent. C. L : L’enseignement
dispensé au Centre des hautes études de Chaillot
(CEDHEC), plus connu sous le nom d’école de Chaillot,
va-t-il évoluer ? François de Mazières: "Le
CEDHEC continuera d’assurer un enseignement de haut niveau sur
les questions liées à la conservation et à la
restauration. Ce cycle d’études accueille chaque
année une soixantaine d’élèves. En liaison
avec l’école des Ponts et Chaussées, une formation
spécifique est destinée aux architectes urbanistes de
l’Etat (AUE, anciennement architectes des bâtiments de
France, ABF) Un cycle de formation à
l’histoire de l’architecture va être organisé
en collaboration avec l’université Paris I. A la
différence du CEDHEC, ce cycle ne sera pas réservé
aux seuls architectes. Des colloques vont être organisés,
les propriétaires de monuments historiques privés
pourront y être associés. La Cité de l’architecture et du
patrimoine entend aussi développer des sessions
complémentaires, payantes, à destination des
maîtres d’ouvrage et des fonctionnaires des
collectivités territoriales. Un gros travail de sensibilisation
des élus, qui exercent de lourdes responsabilités dans le
domaine de l’urbanisme, doit être accompli C.L Inspecteur des finances, vous êtes
aussi maire adjoint à la culture de la ville de Versailles
depuis 1995. En quoi cette expérience vous sert-elle ? François de Mazières : Mon
expérience d’élu m’a appris qu’il
fallait avoir une vision d’ensemble, être clair sur les
objectifs généraux, la manière de les atteindre.
Il faut savoir faire preuve de pragmatisme. Le mieux se
révèle en effet parfois l’ennemi du bien : la
Cité de l’architecture et du patrimoine, à force de
rêver, ne faisait rien. Cela m’a conduit à
abandonner un projet d’extension, à renoncer à la
construction d’une importante mezzanine Les équipes quitteront les locaux de
la Porte Dorée à la fin de l’année. Les
galeries d’exposition temporaires et permanentes ouvriront
à la fin de l’année 2006. L’ensemble de la
Cité de l’architecture et du patrimoine doit être
opérationnel en 2007 . » © texte : Carine Lenfant © photos : IFA |