Yves Rousset-Rouard, maire de Ménerbes (Vaucluse)
(article paru dans Maires de France, juillet-août 2008)
Quand le cinéma donne le goût d’entreprendre Publicitaire et producteur de cinéma hier, Yves Rousset-Rouard est aujourd’hui vigneron. Ancien député du Vaucluse, il accomplit son troisième mandat de maire avec la même volonté : celle d’être un catalyseur. La politique, Yves Rousset-Rouard s’y est intéressé très jeune. « Adolescent, j’étais déjà fasciné par l’Histoire et par ses acteurs » confie le maire de Ménerbes, élu en mars dernier -pour la troisième fois- et ce, dès le premier tour. A l’en croire, c’est l’Amérique – à la faveur d’un stage effectué en 1965 dans une agence de publicité new-yorkaise - qui a inculqué « le goût de l’entreprise, du risque, du refus de l’Etat-providence, du repli sur soi » à ce provençal monté à Paris après des études de droit et de notariat. Des idées qui l’ont conduit à adhérer dès l’âge de 25 ans au Club de réflexion giscardien Perspectives et réalités, puis à s’impliquer quelques années plus tard dans la vie communale de Flamanville (Manche), où il possédait alors une petite maison. Producteur de spots publicitaires puis de trente-cinq longs métrages –il préfère évoquer certains films tels « Le père Noël est une ordure », « Les bronzés » ou « Le souper » plutôt que le succès mondial d’ « Emmanuelle »…- Yves-Rousset Rouard habitait Paris pour des raisons professionnelles. En 1982, il a acheté la Citadelle de Ménerbes : « j’ai cédé à l’appel de mes racines ». Dix ans plus tard, ce chef d’entreprise a décidé de s’impliquer politiquement dans le Vaucluse, « l’année même de ma première vendange ». En 1989, il avait en effet racheté un vieux mas et ses 8 ha de vignes, bien décidé à produire « un grand vin de terroir ». « Devenir vigneron à la veille du 3° millénaire était un pari fou » insiste-t-il : « Comme dans le cinéma, la réussite n’est jamais programmée, les imprévus se chargent de vous le rappeler .» Pari osé mais réussi par ce surdoué du marketing, grand maître émérite de la confrérie du Lubéron et farouche défenseur des appellations d’origine contrôlée. Réunir moyens et talents Elu député UDF de la 2° circonscription du Vaucluse entre 1993 et 1997, -il s’est notamment battu contre la loi Evin, restreignant la publicité sur les alcools- Yves Rousset-Rouard a tout naturellement fait campagne pour les municipales en 1995 : « On m’avait proposé Apt, mais je me voyais mal élu dans une autre commune que là où j’habite. Etre député me donnait une légitimité. Par la proximité des relations avec les électeurs et par les moyens du travail collectif qu’on vérifie chaque jour, maire est le mandat qui fait aimer la politique. » A peine élu maire de Ménerbes, « à une courte majorité », Yves Rousset-Rouard s’est attelé à la restauration du patrimoine de sa commune. L’ancien hôtel d’Astier de Montfaucon était pratiquement à l’abandon. Réhabilité, ce somptueux bâtiment de 10 000m², du XVIIIème siècle abrite aujourd’hui la Maison de la truffe et du vin mais aussi deux logements sociaux. Inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1996, l’hôtel d’Astier a ouvert ses portes au grand public en 2004. Coût de l’opération ? 2 310 000 euros, financés pour plus de la moitié par la région PACA et le World monuments fund, fondation américaine à la porte de laquelle il est allé frapper. « Ce qui m’intéresse, c’est apporter les solutions. Comme lorsque j’étais producteur, j’ai cherché à réunir moyens et talents. Il y a eu des projets concurrents dans la région, mais j’ai tenu bon. »» Yves Rousset-Rouard entretient d’excellents relations différents mécènes qui savent se montrer généreux. Un jardin d’enfants a ainsi été financé par des dons, 400 000 euros doivent être recueillis prochainement pour le foyer sportif. Résultat ? «Depuis 1995, les impôts locaux ont baissé en francs constants. » Cela n’a pas échappé à ses administrés - « en 2001,j’ai été réélu avec 72% des voix. » - non plus qu’à la sous préfecture « qui m’a rappelé à l’ordre. Compte tenu de l’inflation, ils auraient dû augmenter… » Le village de Peter Mayle Labellisé « l’un des plus beaux villages de France », Ménerbes a connu des hôtes célèbres : Dora Maar, Pablo Picasso, Nicolas de Staël et François Nourissier notamment. Mais sa notoriété récente, il la doit beaucoup à Peter Mayle, l’auteur d’Une année en Provence : « Grâce à lui, le Vaucluse est sorti de l’anonymat géographique. Mayle est à Ménerbes ce que Dracula a été à la Transylvanie et Shakespeare à Stratford-sur-Avon. » Conscient des atouts de son village, le maire n’hésite pas à l’occasion « à prendre le crayon ». Défenseur de l’architecture douce –concept mis en pratique par François Spoerry à Port Grimaud (Var)- il est intervenu dans la conception de la cantine et de la bibliothèque municipale, puis de l’école maternelle et de sa cour de récréation. « Les bâtiments intéressants figurent souvent sur les photos anciennes. Chaque maire devrait se demander si ce qu’il construit fera l’objet demain d’une carte postale… » Vigilant, il surveille de très près le projet de restauration de l’église Saint Luc, la construction d’un club house près du stade. Menerbes ne disposait pas de cinéma ? Le maire a fait don de sa cabine de projection 35mm personnelle à la salle polyvalente : « grâce à un tourneur, on projette des films toutes les semaines et occasionnellement des avant-premières au moment du Téléthon ». Même si certains le jugent autocrate, lui reprochent son absence de modestie, beaucoup reconnaissent l’efficacité d’Yves Rousset-Rouard. Ménerbes deviendra ainsi le premier village à bénéficier d'une toute récente disposition fiscale permettant au contribuable soumis à l'ISF de bénéficier d'une réduction d'impôt : « La "fondation pour Ménerbes" que j’ai suscitée vient d'être agréée en juin par la Fondation de France. Elle pourra recevoir des dons destinés à améliorer la vie des habitants. » Farouchement libéral, ce sexagénaire sait pertinemment que tout le monde ne partage pas ses convictions « Beaucoup de gens dans le cinéma avaient aussi des idées opposées aux miennes, mais quand je produisais un film, je le faisais pour tout le monde. » Carine Lenfant Encadré : La première truffière municipale de France Les 150 chênes mychorisés plantés sur un terrain agricole communal n’ont pas encore besoin d’être gardés pour empêcher les vols : la truffière municipale –inaugurée le 19 janvier 2008- ne produira pas avant cinq à huit ans. La récolte de truffes noires (fruits du mycelium tuber melanosporum) sera alors vendue au profit des œuvres sociales du village. Cette plantation, expliquée en détail à la Maison de la truffe et du vin, complète le marché de la truffe qui a lieu chaque année au village entre Noël et le jour de l’an. La truffe de Provence pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros le kilo mérite bien son surnom de diamant noir. C.L |